Supporting the reproduction of pollinators through a garden dance: Difference between revisions

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The cover of the podcast
The Buckfast bee

In parallel to the service of “Spore“ & “Pollen” for Le Banquet held at contemporary art museum Palais de Tokyo[1] on November 20th, 2019 as part of Futur, ancien, fugitif, an exhibition dedicated to the “french art scene”, we released a podcast titled “An open-source bee for a poisonous environment”. This podcast was first recorded in french with beekeeper and biologist Julien Perrin. It is now also available in an english dubbed version.

Produced by The Soft Protest Digest, this interview was followed by an Umwelt[2], a text written as seen from the eyes of a bee. This text was written and then evaluated, word by word, by Fanny Rybak, biologist and researcher at the french CNRS institute, specialized in inter-species communication. Broadcasted as a reccording in its french version by actress Garance Kim during the event, it is now available also in english, read by french performer Nolwenn Salaün.

Link to the podcast

Transcript ENGLISH VERSION 🇬🇧 (dubbed)

Transcript ORIGINAL VERSION (french) 🇫🇷

Voice over

Vous écoutez, « Favoriser la reproduction des pollinisateurs par une danse de jardin ». Un podcast produit par The Soft Protest Digest.
If you’re an english speaker, know that we’ve published for you a translated transcript of this podcast that you can easily find on our wikipedia under the name “Preparation of a naked soil strip, Inauguration of a naked soil strip.” We highly recommend you to have a read.
Nous avons répondu cet été à l’invitation du festival de performance artistique SETU qui se tenait comme chaque année en Bretagne, dans le village de Ergué-Gabéric à une vingtaine de kilomètres, dans les terres, de la ville de Quimper. C’est dans ce contexte particulier que nous avons entreprit de préparer et d’inaugurer par une danse une bande terre nue. Comme vous pourrez l’entendre tout au long de cet épisode, la Bretagne des Bretons n’est pas seulement un région de France mais un pays dans le pays, lui-même découpé en pays aux coutumes et traditions distinctes. Aussi, notre bande de terre ne fut pas seulement creusée en inaugurée en Bretagne mais bien dans le pays Mélénig, pays dont nous avons rencontré plusieurs représentants, qui nous permirent d’enrichir notre projet pour qu’il reflète au mieux la culture locale.
Vous pourrez donc entendre dans cet épisode Christian Toullec, producteur de cidre à la cidrerie Mélénig qui nous fit la visite de son exploitation et qui accepta très gentiment de discuter avec nous de ses tentatives pour favoriser la biodiversité de sa cidrerie. C’est ce même Christian qui nous fournit le pommeau, un mélange de jus et d’eau de vie de pomme, que nous avons réduit en sirop et incorporé ensuite au dessert servit aux visiteurs de notre performance.
Dans une seconde partie, vous pourrez entendre, Yuna Postic, danseuse, professeur et représentante du Cercle Ar Vro Mélénig, le groupe de danse traditionnel du village d’Élliant (village attenant à la cidrerie Mélénig et au festival SETU), et qui nous fit part, avec une passion contagieuse, de l’histoire des danses traditionnelles de sa région et de leur utilisation dans l’agriculture Bretonne. C’est Yuna qui nous enseigna d’ailleurs le pas de danse que nous avons utilisé pour aplanir notre bande de terre nue : le Plinn et que Nickie enseigna ensuite aux visiteurs de notre performance.
Mais avant de donner la parole à Christian Toullec et Yuna Postic, remettons la préparation de notre bande de terre nue dans son contexte et écoutons le texte lu par Robin lors de son inauguration.
Bon épisode.

Robin:

Une longue bande de terre de cinquante centimètres de large est dépouillée de la végétation qui s’y trouvait, à l’aide de simples outils et de mains. Dans ce champs, cette jachère, ce pré, cette prairie ou ce jardin, quelqu’un s’avance jusqu’à la moitié de la bande de terre nue en laissant tomber de ses poches des graines de plantes mélifères. Des danseurs se succèdent ensuite d’un bout à l’autre de la bande de terre tout juste semée, en répétant le même pas de Plinn lentement, avec application, silencieusement.
Se faisant, ils tassent et préparent la bande de terre à ses hôtes de l’hiver à venir : les êtres discrets dont la vie se déroule dans les sols dépourvus de végétation. On distingue parfois leurs terriers sur la terre nue réchauffée par le Soleil. Celui ou celle qui a tracé cette bande de terre, sur ses terres ou son jardin, le sait bien : en offrant son hospitalité à ces mineurs invertébrés, il ou elle augmente ses chances de faire bonne récolte, de voir son jardin s’égayer et le paysage aimé subsister.

En rendant services à tous, non-humains comme humains, service est rendu à soi-même.

Qu’elles soient de la famille Osmia ou Andrenidae, les abeilles solitaires ne s’y tromperont pas : une terre nue, libérée des besoins de productivité humaine, est idéale pour y creuser son long terrier. Après l’accouplement, les femelles velues y déposeront une boule de pollen et de nectar, appelé pain des abeilles ; un œuf ; une cloison de terre ou de feuilles mâchées ; une boule de pain des abeilles ; un œuf ; une cloison ; et ainsi de suite jusqu’au bout du tunnel.
Pendant l’hiver, ces quelques œufs se changeront en pupes puis en adultes, au chaud dans la terre, nourris par les provisions de leur mère prévoyante. À leur sortie du trou au début du printemps, les abeilles goûteront enfin au nectar frais des fleurs mélifères semées sur la moitié de la bande de terre nue. Leur travail de butineuses, d’une fleur à l’autre, contribuera à la pollinisation et la reproduction des plantes et arbres alentours avec une incidence bien supérieure à celle des abeilles à miel.

Celui ou celle qui aura fait une place aux abeilles solitaires sera étonné par la politesse de ces hôtes volants qui participeront, par leur nombre et leur diversité, à intensifier la biodiversité des pollinisateurs localement. Ainsi, le rendement des récoltes pourrait progresser de 20% en moyenne.

Si nous pensons aux abeilles à miel dont les produits de ruche nous régalent, n’oublions pas leurs cousines solitaires qui ont aussi leur place dans les écosystèmes bretons. La masse totale d’insectes dans le monde diminue actuellement de 2,5% en moyenne par an, soit l’effet de la grippe espagnole tous les ans sur leur population. Le déclin des insectes ne se limite pas aux abeilles à miel, c’est une catastrophe qui touche les pollinisateurs au sens large, des mouches aux papillons, sans qui les humains ne pourraient produire les deux tiers des plantes cultivées. Nous parions aussi sur la capacité de cette bande de terre nue à favoriser l’installation d’hôtes qui nous sont moins directement utiles. Parmi les animaux des sols bretons, nous espérons voir l’atype de Sultzer, une petite mygale vivant dans un terrier, embusquée dans une chaussette de soie. Un sol plus humide pourrait voir s’établir le grillon des marais, qui se cache dans les failles du sol lorsqu’il ne chante pas. Nous pourrions aussi voir la courtilière, qui est plus timide : cet insecte rare, entre taupe et grillon, chante depuis les galeries où elle passe le plus clair de son temps.
L’agriculteur ou l’agricultrice, par l’étendue de ses terres, est bien sûr plus à même d’améliorer la résilience de ces animaux, et nombreux sont ceux à l’entreprendre avec l’aide de l’Union Européenne et des régions. Mais vous qui êtes peut-être de modestes jardiniers, rien ne vous empêche de tracer une bande de terre nue pour accueillir les abeilles solitaire, comme un signe de reconnaissance envers les services rendus.
Cette bande de terre nue est la seconde que nous réalisons dans la région : la première a été faite sur un pré de la cidrerie Melenig, où Christian Toullec produit du cidre, du jus de pomme, du pommeau et du lambic. Nous aimerions beaucoup voir d’autres versions de ces bandes de terre apparaître sur des exploitations ou des jardins alentours, et même plus loin, pour suivre leur évolution dans le temps.
Cette après-midi nous sommes donc chez Christian Toullec, qui produit des pommes et du cidre à la cidrerie Mélénig à quelques kilomètres du village d’Ergué-Gabéric. On voulait d’abord vous remercier car vous avez gentiment accepté de nous laisser creuser une première bande de terre nue de 18 mètres de long dans un de vos prés.

On aimerait aussi en savoir plus sur la biodiversité de votre verger et sur la manière dont vous la prenez en considération dans votre pratique. Donc pour commencer, est-ce que vous pouvez nous dire quels cultivars de pommes vous faites usage à la cidrerie ?

Christian Toullec :

En fait, pour la production de cidre on a des variétés spécifiques de pommes, qui sont très différentes des pommes de table parce que ce sont des variétés traditionnelles, anciennes. La particularité des pommes à cidre c'est vraiment que ce sont des pommes qui contiennent des tanins, des polyphénols, qui vont donner plus ou moins d'amertume aux pommes et, par conséquent, au jus et au cidre. C’est vraiment une une différence qui est spécifique à l'ouest de la France, au sud de l'Angleterre et au nord de l’Espagne où l’on a des variétés faites pour faire du cidre. Par exemple, on a des variétés amères qui sont pratiquement immangeables car trop taniques. Après on a des douces amères qui sont déjà plus comestibles et qui sont souvent très parfumées. On a donc une diversité de variétés, pour en citer quelque-unes, qui ont pratiquement toutes des noms bretons : la douce Moen, Kermerrien, Kropelki, C’huero Briz.

Robin :

Est-ce que c’est comme les cépages dans le vin ? Est-ce que vous faites des mélanges quand vous faites le cidre ?

Christian Toullec :

Alors oui, c’est toujours des mélanges. Toujours un mélange de variétés. La raison est que les caractéristiques de chaque pommes s’additionnent et se complètent. De plus, dans un verger il faut plusieurs variétés car une même variété ne peut pas se féconder et se polliniser toute seule.

Robin :

Quels sont les types de pollinisateurs que vous observez ?

Christian Toullec :

Dans un premier temps il y a des ruches d’abeilles d’élevage dans mon exploitation. Elles ne m’appartiennent pas, c’est un apiculteur qui vient les mettres. Après on observe aussi plusieurs sortes de pollinisateurs, il y a des bourdons notamment, et puis il y a des insectes sauvages. Je ne suis pas assez spécialiste pour reconnaître les espèces mais je sais qu'il y a pas mal de types d'insectes, en tout cas présents au moment de la floraison.

Robin :

Est-ce que vous faites appel à une méthode particulière pour améliorer la biodiversité sur l'exploitation ?

Christian Toullec :

Alors c'est quelque chose que je ne connais pas mais que je commence à prendre en compte. Je manque un peu de méthode et de connaissances mais je me suis aperçu, par exemple cette année, qu’il y a une prairie normalement paturée par des animaux que je n’ai pas fauchée. Les herbes sont donc montées assez hautes et on s'aperçoit qu'il y a une diversité d'insectes qui est beaucoup plus grande d’un coup. Il y a aussi des fleurs qui fleurissent parmi l’herbe et puis on voit pas mal d’insectes. Je me dis qu’un des moyens de procéder peut être ça : de laisser des zones qui ne sont pas fauchées à côté du verger où je suis bien obligé de tondre l’herbe pour l'entretien. D’autre part, il y a les talus qui offrent une bonne diversité biologique, mais après on peut encore faire des choses comme laisser pousser une prairie, etc.

Jérémie :

Quand vous parlez de talus vous parlez de sur-élévation c’est bien ça ?

Christian Toullec :

Oui, un talus c’est ça pour nous en Bretagne : une haie d’arbre qui entoure les champs. Mais on l’appelle talus parce qu’il y a une levée de terre, une petite bosse. C’est le mode de culture traditionnel d’ici.

Robin :

C’est ce que l’on appelle du bocage ?

Christian Toullec :

Oui c’est ça, du bocage. Et on sait que par rapport à une simple haie, le talus offre de diversité qui est bien meilleure parce que l’on ne va jamais tondre en dessous. Ça sert de refuge pour pas mal d'animaux. Ça crée une continuité biologique entre les champs.

Robin :

On a allait vous poser la question du climat. Ce climat côtier, est-ce qu’il affecte les pommes du manière ou d’une autre ? On est certes loin de la côte mais… j’imagine qu’il y a plus de tempêtes que quand on est vraiment dans les terres.

Christian Toullec :

C’est vrai, de toute façon on sait que le Finistère est plus affecté par les tempêtes que d’autres régions, particulièrement à l’automne et en hiver. C’est important d’être protégés. Après, n’étant pas directement sur la côte, on a moins de soucis. Mais il faut tout de même en tenir compte.

Jérémie :

Est-ce que le fait que votre terrain soit constitué d’un peu de sable a un impact sur le goût des pommes, du cidre et sur le type de biodiversité qu’il y a dans les vergers ?

Christian Toullec :

Oui, c’est un type de milieu qui influe sur la qualité des pommes et sur l'ensemble. Ici on est sur du granit. Cette roche mère donc, c’est du granit qui donne on se désagrégeant de la reine granitique, c'est-à-dire quelque chose d'assez c'est sableux et d’assez léger. Par exemple l'autre jour il a plu ici pas mal, au moins une trentaine de millimètres, mais dès le lendemain on peut rouler dessus ou marcher sans se mouiller les pieds. L’eau s’écoule assez vite dans le sol quoi. D’autant plus que j’ai une partie de mes vergers qui est en pente de cailloux, donc c’est du terrain qui n’est pas très profond, donc il y a pas de réserve d'eau très importante, mais pour la qualité du du cidre et des pommes c'est d’autant plus important. Ça donne des pommes qui sont plus concentrées en fait, parce que si un arbre a de l'eau à disposition, il va faire des pommes qui vont être grosses mais qui vont avoir un jus un peu dilué, alors que si il manque un peu d'eau, il y aura des pommes peut-être plus petites mais très riches en sucres, très concentrées en tanins aussi, donc en fait une meilleure qualité. {…} Je voulais aussi ajouter qu’en terme de biodiversité sur l’ensemble de l’exploitation, on a différents milieux écologiques. Ici on est sur la colline, avec un terrain assez séchant, mais mon terrain va jusqu’à la rivière, donc a une vraie diversité de milieux. Par exemple, ce ne sont pas les mêmes types d’insectes que que l’on va trouver dans les zones humides, il y a une partie des pentes qui sont boisées, donc en un sens la diversité de milieux crée par extension aussi une biodiversité .

Robin :

Votre neveu Raoul nous disait que vous aviez eu un rendement inférieur à la normale l’année dernière, est-ce que c’est le cas aussi cette année ? Quelle était la raison ?

Christian Toullec :

Ce qu'il faut savoir c’est que le pommier à cidre, un peu comme tous les arbres fruitiers en général, a tendance à alterner, c'est-à-dire avoir une production qui varie sur deux ans. On a en général une année à fort rendement, et une année à faible rendement. La raison est assez simple : c'est qu’un arbre fabrique ses bourgeons dès l'été de l'année précédente, ça veut dire que, cette année par exemple, il prépare les bourgeons de l'année prochaine dès le mois de juillet. Si un arbre a déjà beaucoup de pommes à nourrir, il ne va pas faire beaucoup de bourgeons pour l'année suivante, c’est donc un cycle de deux ans quoi. Et vice-versa, quand il n’a pas beaucoup de pommes, il va faire beaucoup de bourgeons, donc beaucoup de fleurs. Et sur les pommiers à cidre, enfin sur certaines variétés, c'est très marqué. Vous pouvez avoir un arbre recouvert de pommes une année, et zéro pommes l'année suivante.

Robin :

Et comment vous faites face à ça ?

Christian Toullec :

Alors, déjà en jouant sur les différentes variétés. Elles n’alternent pas forcément toutes en même temps. Après, pour régler un peu ce problème là, d'une part quand j'ai beaucoup de pommes, j'en vend à des collègues qui font du cidre aussi. Et quand j'en ai pas assez, j'en achète. On a des échanges comme ça parce que tout le monde n’alterne pas en même temps. Je varie ma production aussi d’une année sur l’autre. Notamment, j’ai deux produits qui sont le Lambic et le Pommeau. Le Lambic c’est donc de l’eau de vie de cidre, et le pommeau c’est un mélange d’eau de vie et de jus de pommes. Ce sont des produits que je ne suis pas obligé de produire tout les ans parce que ce sont des produits qui vont veillir dans des fus de chêne, pendant plusieurs années. Donc je peux très bien, une année où j’ai beaucoup de pommes, m’en faire pas mal de stock, et l’année suivante ne pas en faire. Avec ça j’arrive à faire varier ma production.

Robin (dans le verger) :

Est-ce qu'on peut déjà voir les bourgeons dont vous parliez ?

Christian Toullec :

Pas encore non. Non là on est encore un à un stade cellulaire. Ça commence seulement. {…} Le pommier a cidre comme il fait beaucoup de pommes, assez petites, ça altèrne d’avantage. En pomme de table ils font de l’éclaircissage pour qu’il n’y ai pas trop d’alternance. Soit ils le font d’un point de vue chimique avec des produits qui grillent une partie des fleurs, ça se fait aussi en pommier à cidre, on met des espèces d'hormones qui brûlent la moitié des fleurs. C’est pas terrible. Soit, ils passent avec des trucs… En Bio, en pomme de table, comme les arbres sont beaucoup plus serrés, ils passent avec un espèce de truc avec des fils qui tapent et qui suppriment, en fait, une partie des fleurs. En pommier à cidre, ce qui a été expérimenté, ce qui apparemment marcherait le mieux, ce serait de d'aller au mois de juin quand les pommes commence à être formées, secouer l’arbre pour en faire tomber une partie. Moi je trouve ça plus intelligent parce qu’on n’est jamais sur que les fleurs donnent des fruits (à cause des problèmes climatiques), alors que quand les pommes sont formées c’est pas idiot. Il y a trop de pommes sur cet arbre par exemple, (en anglais)We could have made a part fall to have more next year. On verra bien, moi je ne le fais pas, tant pis.

Robin :

Comme justement on fait ce travail d'aller chercher des traditions qui sont liées à la terre en Bretagne, on s’est vite rendu compte qu’il y en avait beaucoup. On se demandait s’il y avait des choses à découvrir vis-à-vis du cidre qui pourraient être interessantes. Peut-être même que vous les pratiquez sur les vergers ?

Christian Toullec :

Ce que l’on peut dire quand-même, c’est qu’autrefois chaque ferme faisait son cidre avec un petit pressoir. Il y avait dans chaque ferme un petit verger et l’on pressait les pommes avec de la paille. Le système c’était : une couche de pommes broyées, une couche de paille, une couche de pommes, une couche de paille.

Jérémie :

A quoi servait la paille du coup ?

Christian Toullec :

La paille a le rôle de drainer en fait. À la fois de tenir la motte que l’on monte, et de drainer le jus. Parce que sinon quand on presse une couche importante de pommes sans rien, le jus a du mal à sortir parce qu’il y a de la pectine et tout ça. Le fait de mettre de la paille fait que le jus est beaucoup plus drainé en dehors de la motte quoi.

Jérémie :

Et on filtrait ensuite c’est ça ?

Christian Toullec :

Les gens quand ils faisaient comme ça avaient tendance à laisser la motte quelque fois pendant plusieurs jours, et quand ils repassaient devant, ils redonnaient un coup de serrage pour represser. Ils laissaient ça pendant deux/trois jours en général. Ça commençait déjà donc à fermenter.

Robin :

Et la paille n’est plus du tout utilisée dans la production moderne ?

Christian Toullec :

Non. Parce que on a des machines plus rapides et performantes pour faire ça. Et puis il y a un risque avec la paille. J’ai fait quelque fois une démonstration avec et il faut utiliser de la bonne paille. L’idéal c’est de la paille d’orge ou de seigle, et il faut trouver de la paille qui n’est pas traitée, en Bio donc, sinon vous faites du jus de pesticide (sic) !

Jérémie :

Parce que vous êtes tout en Bio c’est bien ça ?

Christian Toullec :

Oui. Depuis un peu plus de dix ans déjà. J’étais déjà en démarche avant, ça faisait longtemps déjà que je ne désherbais plus le verger, je tondais l’herbe simplement. Je fais quand même quelques traitements sur le verger mais avec du cuivre et du soufre contre les maladies, et puis quelquefois un insecticide naturel quand il y a vraiment besoin quoi.

Robin :

Pas de préventif donc ?

Christian Toullec :

Non, je fais deux ou trois traitements chaque année en général. Pas de systématique parce que on a un réseau d’observation entre tout les producteurs de cidre de Cornouailles, qui tient compte de la météo et tout pour évaluer les risques de maladies et de ravageurs. On fait des modèles. La “tavelure” qui est une des maladies principales du pommier, on sait à peu près quand est-ce que elle vient par exemple. C’est en fonction de la météo, des pluies, de la température, etc. On sait donc quand il y aura des risques d’attaque. Par exemple cette année, tout le mois de mai a été assez sec, on a eu du beau temps. Donc on sait que ce n’est pas la peine de traiter, il n’y a pas de maladie dans ces cas là.

Robin :

La tavelure, c’est quoi exactement ?

Christian Toullec :

C’est un champignon. Ça agit sur les pommes et sur le feuillage, ça fait des sortes de taches. Nous en pommiers à cidre, on essaye surtout d'éviter les contaminations primaires, c'est-à-dire les contaminations, dès le départ, sur le jeune feuillage. Donc au mois d’avril et de mai, c'est là qu'on surveille. Quand on arrive fin juin, on intervient plus en fait. Si on a réussi à éviter les contaminations primaires, il peut y avoir quelques contaminations secondaires mais c'est pas très important. Une des raisons c’est aussi qu’on est pas aussi exigeant que quelqu’un qui fait des pommes de table. Si il y a quelques taches sur les pommes ce n’est pas gênant. Et en plus, on a globalement des variétés plus résistantes aux maladies que les pommes de table.

Robin :

Pour finir, on voulait savoir comment vous gériez la fermentation et s’il y avait des ferments particuliers qui étaient utilisés dans la production de cidre ?

Christian Toullec :

En fait dans la production de cidre, la fermentation est naturelle. C’est-à-dire que l’on ajoute pas de levures dans les cuves. Ce sont des levures indigènes, des levures naturellement présentes dans le jus qui font la fermentation. Elles viennent des pommes, du matériel, c’est quelque chose que l’on ne maîtrise pas.

Robin :

Vous voyez des différences de goût, en fonction de si vous allez presser à un moment de l’année ou à un autre ?

Christian Toullec :

Oui, ce qui agit pas mal c'est la température quand on presse. Plus il va faire doux, plus les fermentations vont partir vite. C’est souvent le cas en début de saison quand on presse au mois d'octobre. Alors que quand on arrive fin novembre ou début décembre, on a souvent un petit coup de froid qui fait que les fermentations vont partir beaucoup plus lentement. C’est ce que l’on cherche. On cherche a avoir des fermentations plutôt lentes qui vont développer plus d’arômes et qui vont nous permettre de contrôler la fermentation parce que la difficulté du cidre, par rapport au vin, c’est que le cidre ne va fermenter seulement partiellement, parce que l’on veut garder une partie du sucre.

Jérémie :

Est-ce que vous diriez que le changement climatique a une influence sur votre façon de produire ? Est-ce que ça a une incidence sur la biodiversité de vos vergers ?

Christian Toullec :

On la ressent principalement sur les pommiers. C’est à dire que la récolte a tendance à être de plus en plus précoce du fait du réchauffement. Et ça pose un problème parce que, comme je vous le disais, on a besoin qu’il fasse assez frais, assez froid, pour que les fermentations ne partent pas trop vite. Si la récolte est de plus en plus tôt, si il fait de plus en plus chaud pendant la récolte, on se retrouve à être obligé de refroidir les jus, et donc d’utiliser plus d’énergie.

Nickie :

On a observé au Danemark qu’à cause du changement climatique, il y a aussi des gelées printanières beaucoup plus fortes qu’autrefois. Ça a été vraiment un problème au Danemark pour certaines récoltes. Je me demandais si c’était arrivé ici aussi ?

Christian Toullec :

Oui ça arrive un peu aussi ici. On a eu une gelée tardive, surtout en 2017, alors que les pommiers à cidre ce sont plutôt des pommiers qui fleurissent habituellement tard. Souvent les fleurs sont début mai. Donc c’est à une période où l’on a pas trop de risques de gelée. Mais cette fois ci on en a eu. Un petit peu en 2019 aussi. C’est un peu du au fait que l’on a des températures plus élevées au printemps, voir même déjà dès février/mars. La végétation démarre et on peut avoir des gelées alors que les fleurs sont déjà bien développées.

Robin :

Nous avions une question à propos des aides de la politique agricole commune. Comme vous êtes en Bio, est-ce que vous avez été aidé pour votre transition ?

Christian Toullec :

Oui on a des aides pour passer en Bio. C’est vrai que tout ce qui est arboriculture est pas trop mal subventionné. Pour la conversion on avait 900€ de l'hectare. Maintenant je suis en maintient en fait, donc je touche 600€ de l'hectare. Ce qui est pas trop mal parce que c’est plus que pour d'autres cultures. Je crois que pour les cultures classiques ça doit être entre 150€ et 200€ de l’hectare.

Robin :

Et ensuite ça se passe comment ? Il y a un suivi ?

Christian Toullec :

Oui. Avec le Bio on a un organisme certificateur qui vient nous contrôler régulièrement, au moins une fois par an.

Robin :

Est-ce que, particulièrement pour les haies qui sont autour des vergers, il y une forme d’aide spécifique ?

Christian Toullec :

Il y a des aides pour ce qu’on appelle le paiement vert. Ça comprend le fait d’avoir des actions écologiques comme le maintien des talus. Mais en fait, quand on est en Bio on a automatiquement ce paiement vert, donc le fait d’avoir des talus ne joue pas. Ça concerne peut-être plus les gens qui sont en conventionnel et qui vont faire des efforts pour ça. Disons que l’on peut en faire et que ça ne coûte rien du tout. Tout est subventionné.

Robin :

Ah ouais d’accord !

Christian Toullec :

J’ai assez de talus personnellement, mais si j’avais voulu en refaire, tout était pris en charge quoi.

Voice over :

Quelques jours après notre rencontre avec Christian, nous avons donc fait connaissance avec Yuna Postic. Elle nous a donné rendez-vous à la salle communale d’Élliant où elle enseigne et danse avec les membres de son groupe, le cercle Ar vro Mélénig.

Yuna Postic :

Est-ce que vous avez déjà vu une carte historique de la Bretagne ? Ce sera peut-être plus facile de commencer par ça.

Jérémie :

Par ce que là on est dans le pays de quoi ?

Yuna Postic :

On est dans le pays Mélénig en fait. Et c’est là qu’est la difficulté en fait. La Bretagne était divisée en sept évêchés, en fonction des cathédrales. Ici on est en Cornouailles avec la cathédrale Saint Corentin à Quimper. Et dans chaque évêché il y a des “Vros”, ce qui veut dire “Pays” en breton. Nous sommes donc dans le Vro Mélénig. Et chaque danse est propre à un pays. Chez nous par exemple, de le pays de la Cornouailles, on va danser des “gavottes”. On va avoir des gavottes “glazicks”, des gavottes de l’“Aven”. Après, dans chaque commune il y avait une façon différente de danser. Par exemple dans la gavotte de l'Aven, on a la gavotte d’Élliant, la gavotte de Pont-Aven. C’est très différent. Et dans le pays Glazick on va avoir la gavotte de Quimper, de Korede, de Landrevarzec, voilà. Et après, du côté de Rennes et Nantes, on va plutôt être sur des types de “branle”. Plutôt des danses françaises. On dansait donc pour les jours de fête, les mariages, les baptêmes. Pour les jours de moissons, ça se dansait sur quelque chose appelé l’“air à battre, dans des cours de ferme. Et tout le monde était ensemble, chaque commune dansait sa danse. C’était une identité en fait. Quand les gens allaient danser ailleurs, bien qu’ils n’aillent pas loin, ils allaient danser une gavotte de l’Aven à Quimper et c’était une manière de montrer d’où on venait, qui ils étaient.

Robin :

Est-ce qu’il y avait cette idée de niveler le sol dans les danses de cour de ferme ?

Yuna Postic :

Ça c’est une danse en particulier, c’est la danse Plinn. Et Plinn c’est un pays. Après ce n’est qu’un point de vue personnel mais je pense que la danse étant une manière de se rassembler. Les moments où les gens se rassemblaient, c’était les moments agricoles et les moments de fête. Dans une ferme en Bretagne, ils étaient en général une dizaine de personnes. Ils avaient déjà plein d'enfants, il y avait les grands-parents qui souvent vivaient à la maison. Il y avait aussi les commis de ferme, les bonnes. Pour la moisson et pour les grands moments d'agriculture, ils faisaient aussi venir le voisinage. En fait les gens allaient de ferme en ferme comme ça pour faire la moisson ensemble. Donc forcément c'était dans ces moments-là qu'ils dansaient. Je pense que c'est là qu'on peut retrouver ce lien entre les danses et l'agriculture. Pour ça le Plinn c’est idéal ! Les maisons en Bretagne étaient faites sur de la terre battue. En marchant et en sautant dessus, ça devenait donc de la terre plus solide.

Yuna nous montre des vidéos de danse Bretonne sur son téléphone.

Vous voyez ces danses et ces airs de musique se passent de générations en générations. C’est comme ça et ça a toujours été comme ça. {…} Ça c’est une clarinette, mais pas comme celles qu’on trouve en France. Enfin, en France, pardon, dans le reste du pays, vous voyez ce que je veux dire, c’est un instrument d’ici. Après je ne saurais pas vous dire pourquoi. {…} Là je vais vous montrer la gavotte d’ici. Et les danseurs ont des costumes du village d’Élliant. Comme vous voyez c’est beaucoup plus crâneur. Beaucoup plus chic. Les gens du pays de l’Aven, ont la grosse tête. Enfin bon, c’est des clichés hein. Dans l’Aven on est fiers, dans le pays Bigoudin on est radins, dans le pays du Léon, on est radins et on va à la messe, et ça se ressent toujours maintenant ! {…} Le Plinn c’est une danse, et après il y a plein de façons de la danser. Il y a des gens qui font du collectage et qui vont voir les anciens et qui leur demande “comment vous dansez cette danse” ? Comme chacun a sa façon de danser, ça donne un nombre infini de variantes. {…} Toutes ces danses, elles vous portent. Tout le monde danse en même temps, c’est beau. On se tient bras dessus bras dessous. Je pense que dans le milieu agricole c’était très important ces danses. Ça symbolisait l’entraide avec les voisins.

Yuna nous montre une vidéo d’un des spectacles de son groupe.

Après le mouvement que l’on fait là, il n’existait pas à l’origine. On rajoute des mouvements parce que le spectacle raconte doit raconter une histoire.

Nickie :

Mais donc c’est comme une sorte de fiction ?

Yuna Postic :

Oui exactement !

Nickie :

Donc ça veut dire que l’on peut interpréter les danses pour les intégrer à une nouvelle histoire ? Même ajouter des nouveaux mouvements ?

Yuna Postic :

Oui c’est ça !

Jérémie :

Est-ce que vous connaissez des traditions culinaires qui sont liées à des danses ?

Yuna Postic :

Je saurais pas dire… Il y a des traditions culinaires qui sont propres à Élliant par contre. Nous ici on mange ce que l’on appelle des “galettes”, mais qui ne sont pas pareilles que celles mangées à Rennes, et elles ne sont pas des crêpes non plus. C’est des sortes de crêpes que l’on fait cuire sur la la billig[3], on y met des pommes et elles sont plus épaisses et spongieuses que des crêpes. Ailleurs ça n’existe pas. {…} On pourra pas venir à votre performance à cause de la pandémie mais je peux vous apprendre le Plinn maintenant si vous voulez.

Jérémie :

Maintenant ?

Yuna Postic :

It’s easy. Le Plinn c’est facile ! On l’apprend en disant Titi Grominet. Ti-ti-Gro-Mi-Net, Ti-ti-Gro-Mi-Net, Ti-ti-Gro-Mi-Net…

Voice over :

Merci d’avoir écouté “Favoriser la reproduction des pollinisateurs par une danse de jardin”. Vous pouvez retrouver l’épisode ainsi que d’autres podcasts sur l’application du même nom ou sur SoundCloud avec le mot-clé “The Soft Protest Digest”. Vous pouvez aussi vous rendre sur notre wikipedia www.thesoftprotestdigest.org pour plus d’informations.

Notes

  1. Paris, France.
  2. The conginitive perception of the environment by a given specie
  3. Le poêle traditionnel Breton utilisé pour réaliser des crèpes et des galettes.